Après le triangle des Bermudes, le triangle de Karpman

Présenter le triangle des Bermudes serait un affront à l’encontre de votre culture générale. En revanche, le triangle de Karpman n’étant pas aussi célèbre que son confrère, nous avons décidé de lui consacrer un article !

Qui est-ce ? Qu’est-ce que cela désigne exactement ? Et comment éviter d’y entrer en situation de management ? C’est parti !

 

Le triangle de Karpman : un portrait aux oignons

À l’origine, un créateur : Stephen Karpman, médecin psychiatre, grande figure de l’Analyse Transactionnelle et de la psychologie contemporaine, élève d’Éric Berne, deux fois lauréat du Prix Éric Berne. Il enseigna la psychiatrie à l’université de Californie.

Ensuite et tout d’abord, pour qu’il y ait triangle, il faut qu’il y ait trois côtés, et donc trois angles, et donc trois rôles. Des rôles contribuant à créer ce qu’on appelle la « relation dramatique » illustrée par le triangle de Karpman. Trois rôles, trois comportements forgent ce « jeu psychologique » :

Le Sauveur : il aide l’autre sans que celui-ci n’ait formulé aucune requête ou même contre son gré

La Victime : soumise – qui se présente plus faible qu’elle ne l’est en réalité, rebelle – qui expose ses problèmes en revendiquant ;

Le Persécuteur : il infériorise l’autre, identifie ses faiblesses et l’incite également à entrer en conflit avec d’autres.

Ce Triangle dramatique fait référence à des personnes qui semblent convoiter ces rôles de façon récurrente et existentielle (même si leur motivation est inconsciente).

Chaque personne peut en outre passer d’un rôle à un autre plusieurs fois en une journée.

Cette théorie du Triangle Dramatique sur les relations dysfonctionnelles, les manipulations et les jeux psychologiques a été qualifiée comme le E = MC2 de la gestion des conflits.

 

Un « jeu psychologique » à trois rôles interchangeables

Si l’on s’immisce dans la peau du Sauveur, on se retrouvera automatiquement derrière le prisme à travers lequel regarde le Persécuteur, après être passé derrière celui de la Victime.

Ainsi, il va sans dire que les trois positions se nourrissent les unes les autres pour exister. Il n’y a pas de Sauveur sans Victime à sauver des griffes acérées d’un Persécuteur, et vice-versa.

Le modèle du Triangle de Karpman est dynamique. C’est souvent de la pitié, de la culpabilité ou simplement l’anxiété qui mettent le Sauveur en action. Déconcerté devant la situation qu’il se représente et analyse, il est la plupart du temps convaincu qu’il doit absolument intervenir.

Sous ses airs de Mère Teresa se cache un sentiment presque mégalomaniaque. Brandissant le sceptre de la guérison, il se croie tout autant indispensable qu’irremplaçable. On ne lui a rien demandé ? Qu’à cela ne tienne : il guérira tous vos maux avant même que vous n’en ayez pris conscience.

Étant persuadé que le monde n’est qu’un vaste champ de bataille, où pléthore de Victimes, incapables de s’extirper du bourbier où elles pataugent, n’attendent que lui pour les sauver. Il s’autoproclame thaumaturge en puissance.

Plus éclairé, plus compétent que la personne elle-même pour décider de ce qui est bon pour elle ? Cela va sans dire. À cette étape, Il se couronne d’une âme charitable et se greffe un cœur gros comme la Lune, mais, mais… ! Sa protection ignore bien souvent les besoins réels de la Victime !

Ensuite, il faut savoir que tout Persécuteur qui se respecte se sent Victime. Sa persécution aux couleurs de la vengeance lui semble légitime et justifiée par une ancienne incarnation du rôle de Victime. Ainsi, à l’origine de tout cela : une injustice ou une trahison.

Être dans la peau de la Victime entraîne beaucoup de fatigue et même parfois de maladies. Le bonheur n’est plus qu’un mirage que l’on tente en vain d’approcher, la coopération un spectre intouchable. Séparée des autres, fuyant les relations, se sentant persécutée, sacrifiée sur l’autel de l’entreprise, la piètre estime de soi vient se blottir dans le giron de la solitude.

Les relations vécues par le Triangle Dramatique sont intenses. La dose de stimulation affective ou psychique fournie aux protagonistes est telle qu’on peut l’apparenter à une drogue. Au regard de cela, les personnes qui souhaitent établir une relation de Jeu avec un partenaire particulier cherchent en réalité à établir avec elle une relation intense et transférentielle.

Pour schématiser les comportements :

 

Posture Caractéristiques Communication
Persécuteur Haute Il chérit l’attaque, aime donner des ordres.

Brime, humilie, manipule, provoque la rancune au détour des couloirs.

La Victime pour lui ? Une personne inférieure.

À l’aide d’affirmations péremptoires et sans aucune preuve tangible.

Exemples :

« Vous devriez plutôt… »

« Vous pourriez quand même… »

Sauveur Haute Son péché mignon ? Apporter une aide inefficace.

Crée la passivité par l’assistanat et peut étouffer quand cela lui chante.

Des conseils souvent non-avisés.

Exemples :

« Si j’étais vous, je ferais… »

« Laissez, je m’en charge… »

Victime Basse En quête d’une aide salvatrice, elle attire à la fois le Sauveur mais aussi le Persécuteur pour donner chair à son rôle de Victime.

Attirer l’attention sur Elle : un sport qu’Elle peut pratiquer à haut niveau.

L’art de la formulation plaintive.

Exemples :

« De toutes façons je n’y arriverai pas… »

« C’est toujours de ma faute… »

 

 

Connaître ces mécanismes et le langage propre au Triangle de Karpman est un prérequis, soit pour en sortir, soit, encore mieux : pour éviter d’y entrer.  

 

 Comment sortir du Triangle de Karpman ou éviter d’y entrer en situation de management ?

La clef pour sortir du Triangle Dramatique ? On vous le donne en mille : la prise de conscience. Lorsqu’une personne constate qu’elle incarne l’un des trois rôles, elle peut faire en sorte de filer à l’anglaise en adoptant une attitude neutre. L’un des symptômes les plus fréquents : jouer un rôle au sein du Triangle génère un sentiment de malaise, une impression de déséquilibre de forces dans les rapports.

Exemple

X à Y, les pieds en plein dans le Triangle :

« Je comprends tes difficultés, mais après tout c’est ton job de gérer tout cela. »

X le manager-coach à Y :

« Quels sont tes besoins pour avancer seul et apprendre de cette situation ? »

 

Ainsi, la question que vous devez vous poser est la suivante : comment éviter de se faire aspirer par le Triangle de Karpman ?

Les maîtres-mots : conscience, vigilance, rigueur et lucidité.

Un bon manager sensibilisé au Triangle Dramatique doit ainsi apprendre à le désamorcer avant même qu’il ne montre le bout de son nez. Comment ? En faisant le choix conscient de ne pas rentrer dans le jeu de tel collaborateur ou de telle collaboratrice, et donc en privilégiant une vision d’aigle, impartiale et professionnelle. En proposant des pistes constructives plutôt que des critiques sans lendemain. En posant des limites claires et définies.

Rester soi-même en-dehors d’un potentiel Triangle Dramatique apparaît primordial car ce dernier (ils peuvent d’ailleurs être plusieurs à œuvrer en même temps) coûte cher à votre entreprise en divisant les forces de vos équipes et en formant des clans, en gangrenant la communication interne et le dialogue, en altérant l’analyse des situations, et bien sûr en freinant vos performances.

Alors, soyez vigilants et mettez toutes les chances de votre côté pour éviter de vous faire aspirer par le triangle des Bermudes… ! euh… de Karpman !

 

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